L'Observatoire du Leadership

Les trois piliers pour développer son leadership

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“Le développement du leadership demeure le grand enjeu du XXIème siècle quant aux ressources humaines” affirme Olivier Legrée, associé conseil en ressources humaines et conduite du changement chez Deloitte France. Le constat de cet expert se fonde sur une étude conduite par le cabinet auprès de 2500 DRH et dirigeants dans 90 pays. Intitulée « Human Capital Trends 2014 », l’étude quantifie le besoin des entreprises d’installer des leaders à tous les niveaux de leur organisation, une prise de conscience qu’elles souhaitent voir déboucher rapidement sur des actions concrètes.

« Le leadership du 21ème siècle doit prendre en compte les nouveaux challenges que doivent affronter les entreprises » précise encore Olivier Legrée, convaincu que l’on peut cultiver cette « capacité à donner du sens » caractéristique du leader. Cette conviction remet en cause les modèles traditionnels du leadership. Les modèles fondés sur la force brutale, le statut ou l’expérience déclinent au profit de ceux fondés sur le charisme, la connaissance, le courage et l’action ainsi que l’ont montré les travaux d’Yves Enrègle, doyen du corps professoral de l’International Business School1.

Développer son leadership devient du coup un vrai « travail sur soi », contrairement aux conclusions du chercheur français Eric-Jean Garcia2. Ce dernier estime que le leadership ne peut s’apprendre, qu’il est une façon d’être.

Qui dit vrai ? Peu importe.

Le moment est venu de repenser les programmes de développement du leadership afin de permettre aux managers d’affronter les défis d’une économie en pleine mutation. Car, sur le fond, tous les experts en ressources humaines vous diront que le développement du leadership est une priorité.

Publiée début 2014, une enquête du cabinet McKinsey auprès de 500 tops managers confirme que c’est même leur principale priorité. Or, chacun sait qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. C’est bien du côté des « actions concrètes » que le bât blesse.

Pourtant, l’entreprise n’a que l’embarras du choix : une multitude de programmes sont proposés, mettant en avant qui le coaching, qui la psychologie, qui le comportement, qui la PNL, etc. Reconnaissons que ces programmes n’ont guère fait l’objet d’études scientifiques suffisamment approfondies. S’ils gardent leur domaine de validité, ils fonctionnent trop souvent de manière artisanale alors que les profondes mutations du numérique engendrent d’énormes besoins qu’il faut satisfaire de toute urgence.

Coacher un manager dans le cadre d’une relation individuelle pour développer son leadership ? Cette démarche a fait son temps. L’heure exige une approche plus autonome, plus systématique et surtout plus scientifique. Car, le constat de l’étude ‘Why leadership-development programs fail’ de McKinsey est sans appel. Evaluant les centaines programmes de développement du leadership proposés par des universités et Business School de renom, elle conclut que ces programmes ne donnent pas les résultats escomptés malgré une dépense évaluée à 14 Md $ par an par les entreprises américaines. Ces échecs ne sont pas sans conséquences puisqu’un tiers de ces entreprises estiment qu’elles n’ont pas réussi à exploiter des opportunités de business par manque de leaders.

Les interrogations sur le leadership ne sont pas nouvelles. Les réponses tant attendues de la recherche scientifique arrivent enfin.

A quoi tient le leadership ?

« Il y a un consensus grandissant parmi les chercheurs pour accepter l’idée que le développement du leadership est essentiellement un développement de la personnalité. La première action pour développer le leadership consiste donc à développer la personnalité et la conscience du futur leader » conclut Harold Harung, Ph.D., professeur agrégé à l’Université d’Oslo3. Ce chercheur atypique, qui conseille des entreprises du Fortune 500 comme Xerox, Toyota ou encore PriceWaterhouseCoopers, tente de comprendre depuis trente ans pourquoi certains leaders sortent du rang grâce à des performances exceptionnelles.

A quoi tient un tel niveau de leadership et de performances ? S’appuyant sur plusieurs travaux, Harold Harung affirme que l’éducation et la formation ne changent pas grand chose aux performances d’un manager ou encore que l’expérience, exigée dans toutes les offres d’emploi, ne compte que pour 20 % au grand maximum. C’est en tous cas le ratio obtenu avec les programmes intensifs suivis par les athlètes ou les musiciens afin d’améliorer leurs résultats ! Les programmes d’incitation financière n’ont aucun effet non plus. Ils donnent des résultats visibles sur les ouvriers ou les cadres moyens, pas sur les tops managers. Alors, le leadership est-il une question d’âge? De motivation ? De diplômes ? De pratique ? Ces facteurs comptent pour à peine 3% selon plusieurs recherches. Pour Harold Harung, tous ces facteurs réunis n’expliquent ni le niveau de leadership ni les performances exceptionnelles qu’obtiennent les tops leaders qui sortent du rang.

La dernière étude conduite par Harold Harung, en collaboration avec Fred Travis, directeur du Centre de recherche sur le cerveau, la conscience et la cognition à l’Université Maharishi du Management à Fairfield (Iowa, Etats Unis), a permis d’identifier le seul facteur déterminant qui explique à la fois le niveau de leadership et les performances hors normes : il s’agit du fonctionnement intégré du cerveau.

En clair : le degré de connexion entre les différentes parties du cerveau. Les neurosciences nous apprennent que cet organe peut fonctionner comme un tout intégré, ou de manière plus ou moins fragmentée. Plusieurs études sur des artistes de classe internationale ont montré une corrélation significative entre l’intégration du cerveau et des niveaux élevés de performance, de créativité, d’enthousiasme et de développement moral. Ces artistes ont aussi tendance à être plus heureux que la moyenne des gens. La recherche conduite par Harold Harung et Fred Travis confirme que le leadership et les performances sont corrélés à la cohérence et à l’intégration du cerveau.

D’où la question cruciale : comment développer l’intégration du cerveau sachant qu’il continue à se développer tout au long de la vie4 ? En effet, le cerveau peut créer de nouvelles connexions neuronales à tout âge de la vie.

Comment ?

« L’intégration du cerveau peut être développée par l’exercice physique, la musique et la méditation transcendantale » affirme Harold Harung. Le chercheur norvégien propose ainsi deux moyens d’intégration basés sur l’activité, l’exercice physique et la musique, et un moyen basé sur le repos, l’expérience du silence.

Examinons en détail ces trois piliers.

  1. L’exercice physique

Pour Sharon McDowell-Larsen, PhD., spécialiste de l’exercice physique et Senior Associate au Center for Creative Leadership dans le Colorado5, co-auteur du livre Managing Leadership Stress, l’exercice physique régulier peut faire de chacun un meilleur leader. L’étude qu’elle a conduite sur une période de dix ans conclut que les cadres qui pratiquent régulièrement un exercice physique sont nettement plus efficaces que ceux qui n’en pratiquent pas. Leurs qualités en tant que leaders se développent en même temps que leurs performances : engagement, crédibilité, capacité d’inspiration, énergie, résilience, calme, etc. Même si la pratique régulière reste un défi pour l’agenda de tout manager ayant des responsabilités, trouver du temps s’avère être un choix particulièrement judicieux pour le développement d’une carrière. Pour tenir une telle résolution sur la durée, Sharon McDowell-Larsen conseille de changer de rythme et d’intensité pendant l’exercice physique afin d’éviter l’ennui. Changer d’activité peut s’avérer également bénéfique. D’autres études conduites en Suède montrent une forte corrélation entre la pratique de l’exercice physique et le nombre d’opportunités de job proposées à un manager.

  1. La musique

Quid de la musique ? « Elle favorise une pensée holistique propre à une meilleure intégration du cerveau gauche et du cerveau droit » explique Harold Harung. Plusieurs études montrent que les élèves qui apprennent la musique ont de meilleurs résultats pendant leur scolarité. Une récente étude conduite dans 500 jardins d’enfants allemands6 – l’équivalent de nos classes maternelles – a montré que 88% des enfants qui chantaient fréquemment de façon joyeuse étaient prêts pour une scolarité normale, contre seulement 44% pour les enfants qui chantaient moins souvent. Les médecins qui ont conduit cette étude concluent que « le chant nourrit le cerveau des enfants » puisqu’il aide au « développement du langage, du comportement social et du contrôle des agressions ». Chanter favorise la production d’hormones du bien-être et réduit celles de l’agression. Que peuvent faire ceux qui n’ont pas eu cette chance d’apprendre la musique ou de chanter dès leur plus tendre enfance ? Tout n’est pas perdu, loin s’en faut. Suite à une  première expérience réussie à Bruges en 1999, un forum international propose des week end de musique à destination de managers n’ayant aucune formation ou connaissance musicale. Le credo de ce forum? La musique est une métaphore pour une découverte de soi, de sa façon d’écouter, de communiquer et de coopérer, dimensions importantes du leadership. Elle construit la confiance en soi des leaders et aide les entreprises à travailler plus efficacement.

  1. La Méditation Transcendantale

« Toutefois, remarque Harold Harung, l’intégration la plus significative du cerveau résulte de la pratique régulière de la méditation transcendantale ». C’est la seule qui modifie en profondeur la physiologie du cerveau7.

« Changer de comportement comme le suggèrent de nombreux programmes de leadership ne suffit pas » affirme le chercheur, « il faut changer le fonctionnement du cerveau pour que tout nouveau comportement devienne effectif ». Ce changement ne peut se faire par des manipulations, mais seulement par l’utilisation des mécanismes naturels du fonctionnement du cerveau, ce qui est le cas avec la méditation transcendantale. Le cerveau possède cette faculté unique de changer lui-même son fonctionnement pour peu qu’on utilise ses propres mécanismes internes. A ce sujet, Harold Harung précise que la méditation transcendantale est la plus efficace des techniques de méditation pour apaiser l’activité mentale et développer l’intégration du cerveau ainsi que le confirment les EEG.

En effet, « la spectaculaire cohérence des EEG témoigne du niveau de coordination du ‘timing’ des activités de différentes parties du cerveau, à la manière d’un chef d’orchestre dont la baguette intégrerait les différents instruments dans une harmonieuse symphonie » explique le Dr. David Orme-Johnson, chercheur reconnu sur les effets physiologiques et psychologiques de la méditation.

Pour ceux qui ne pratiquent pas la méditation transcendantale, la question qui se pose est « qu’est-ce que la transcendance »? Fred Travis rappelle que cette technique conduit à des expériences non-duelles marquées par un sentiment de conscience de soi sans contenu. L’analyse des expériences subjectives de 52 sujets8 montre que l’esprit s’établit sans effort vers l’intérieur pour aller au-delà de la pensée, expérience dite aussi de la conscience pure ou conscience transcendantale, le moi le plus intime.

Trois aspects caractérisent cette expérience intérieure : l’absence de temps, d’espace, et de sens du corps. Des changements physiologiques spécifiques accompagnent cette expérience : baisse de la consommation d’oxygène, baisse de la conductance de la peau ou encore tracés cohérent des EEG, notamment dans la bande alpha. Avec la pratique régulière, ces expériences tendent à coexister avec le sommeil, le rêve ainsi que dans l’activité, d’où des scores élevés sur une échelle d’intégration du cerveau développée par Fred Travis. Les caractéristiques du cerveau intégré, révélatrices de la capacité des différentes parties du cerveau à communiquer entre elles et à fonctionner de façon cohérente, sont visibles dans le cerveau des tops managers. « C’est pourquoi ces personnes se détachent de la masse » précise Fred Travis. Toutes les zones du cerveau se mettent alors au diapason les unes avec les autres. Quelques semaines de pratique régulière suffisent pour commencer à ressentir les effets induits de la  cohérence des ondes cérébrales. Les tests de développement du leadership en témoignent. Une étude de huit mois sur 24 sujets a montré que la pratique de la méditation transcendantale développe le leadership, mesuré par les tests du Leadership Practices Inventory.

Les effets à long terme ne sont pas moins intéressants. Ils montrent que les personnes qui méditent de longue date développent un tout autre fonctionnement du cerveau. Grâce à l’expérience régulière de transcendance, elles développent la capacité à maintenir le silence intérieur pendant l’activité. Le fonctionnement cohérent du cerveau obtenu pendant la pratique de la méditation transcendantale perdure, même lorsque l’attention est dirigée vers l’extérieur. Autre effet à long terme, cette pratique induit des effets de nature épigénétique9.

La comparaison entre deux groupes de personnes, l’un constitué de méditants de longue date qui venaient de passer huit heures à méditer et l’autre de personnes ne pratiquant aucune activité méditative a montré des modifications de nature génétique et moléculaire, notamment une réduction des gènes responsables des inflammations. Harold Harung a constaté lors de ses recherches que les sujets pratiquant la méditation transcendantale depuis moins de sept ans avaient un niveau d’intégration du cerveau comparable à celui des individus les plus performants de la société, et ceux qui pratiquaient depuis plus de vingt ans avaient des performances significativement plus élevées.

Le Dr. Yvonne Lagrosen

La toute dernière étude, publiée dans Creativity Research Journal par Fred Travis et Yvonne Lagrosen, professeur agrégée en qualité du management, Département des sciences de l’ingénierie à l’Université de l’Ouest à Trollhättan (Suède), révèle qu’une plus grande créativité va de pair avec un « cerveau plus intégré ». Dans le cadre de cette étude, une vingtaine d’ingénieurs suédois reconnus pour leur niveau élevé de créativité ont été évalués au moyen du Test de Torrance sur la pensée créatrice10. Leur rapidité de traitement de l’information et de prise de décision ainsi que leur sens de la cohérence ont été également étudiés. L’analyse des résultats a montré une forte correspondance entre une plus grande flexibilité et originalité dans les tests de créativité verbale et figurative, et des niveaux plus élevés « d’intégration du cerveau ». « Nos résultats mettent en évidence que la créativité, ici en termes de flexibilité et d’originalité, est corrélée au fonctionnement de tout le cerveau et au développement psychologique » explique Yvonne Lagrosen. La créativité jouant un rôle important dans la réussite, l’optimisation du fonctionnement du cerveau devrait être une priorité de tous les managers, au même titre que le développement du leadership.

Bilan ?

Ces études montrent sans le moindre doute que l’intégration du cerveau est le facteur essentiel au développement du leadership, des performances et de la créativité concluent en substance les Dr. Harold Harung, Fred Travis et Yvonne Lagrosen. Harold Harung publiera au printemps prochain un nouvel ouvrage11 intitulé « World class performance and higher brain development » .

  1. Yves Enrègle est également PhD Harvard en psychanalyse. Ses travaux portent sur les questions de management et de responsabilité sociétale.
  2. Eric-Jean Garcia est l’auteur du livre ‘Le génie du leadership’ publié aux Editions Dunod.
  3. Il est l’auteur de l’étude « Higher Development, Brain Integration and Excellence in Leadership » dont les résultats ont été publiés dans le magazine britannique Management Decision d’Emerald Group Publishing,
  4. Cette potentialité est qualifiée de ‘neuroplasticité’.
  5. Elle a été également chercheur au Comité Olympique des Etats-Unis.
  6. L’étude en question a été réalisée par le Dr. Thomas Blank et le Dr. Karl Adamek de l’Université de Münster (Allemagne) avec le concours du Département de Santé publique de la ville.
  7. Rappelons que la méditation transcendantale fait l’objet de recherches scientifiques depuis environ cinquante ans dans le domaine de la santé, de la lutte contre le stress ou encore dans le développement de la personnalité
  8. Les expériences de transcendance pendant la pratique de la méditation transcendantale ont fait l’objet d’une recherche publiée par le Dr. Fred Travis dans le numéro de janvier 2014 des Annales de l’Académie des Sciences de New York.
  9. Le stress prolongé a une action délétère sur le vieillissement des cellules, en raccourcissant les télomères de leur ADN. La méditation modifie l’expression de certains gènes de façon opposée à l’action du stress, ce qui a été confirmé par des expériences conduites au Massachussets Hospital.
  10. Ce test passe pour un standard dans le domaine de la créativité.
  11. Le précédent ouvrage du Dr. Harold Harag s’intitule “Invincible Leadership, Building peak performance organisations by harnessing the unlimited power of consciousness

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