L'Observatoire du Leadership

Développer l’intelligence émotionnelle

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Faisant suite au GEMV1 consacré à l’IE le Dr Raulin nous a adressé un article sur ce thème que nous publions ici avec son autorisation.

Comment nourrir le cœur ? Comment prendre soin du sentiment ?
Bien sûr, comme pour prendre soin d’une plante ou d’un animal, il importe de connaître d’abord la nature du sentiment et d’identifier ses besoins.

Qu’est-ce que le sentiment ?
L’évocation de ce terme induit spontanément une expérience intérieure d’attraction, éprouver un sentiment c’est ressentir une attirance. Le sentiment est une force de la nature qui tend à attirer un sujet vers un objet. Objet étant à entendre ici dans le sens étendu d’objet d’expérience, objet de connaissance ; bien entendu il peut s’agir d’une personne. La force gravitationnelle est elle aussi une force d’attraction, qui s’exerce au niveau de la matière. La différence entre gravitation et sentiment, c’est la conscience. On parle de sentiment quand un sujet éprouve une attraction, c’est une expérience dans la conscience du sujet. La nature du sentiment varie beaucoup selon la nature de l’objet vers lequel se porte l’attraction. On peut traditionnellement distinguer trois niveaux.

PREMIER NIVEAU : MATÉRIEL, « miam » et « beurk »
Le premier niveau que l’on pourrait dire matériel, relève du plaisir éprouvé au contact de l’objet. C’est une expérience essentiellement sensorielle de bien-être qui confère une sensation de sécurité. C’est la première fonction physiologique qui s’anime chez le fœtus, qui lui permet comme pour l’animal de différencier le « miam » du « beurk », et donc potentiellement ce qui est adapté pour sa survie, sa santé et son évolution, et ce qui ne l’est pas. Cette fonction est fondamentalement faite pour nous attirer vers ce qui est bon pour nous. A cet endroit il est important de noter que la fonction physiologique fondamentale est bien la fonction d’attraction.

C’est dans un deuxième temps, suite à des expériences de « beurk », que se construisent par apprentissage les sentiments de répulsion, de méfiance, voire de haine. Tant que ça fait « miam », on continue à être attiré, on cherche à maintenir le lien avec les « miam » connus et on continue d’explorer pour en chercher d’autres. La soif de « miam » est insatiable, nous verrons pourquoi dans la dernière partie.

Les principaux sens en jeu dans l’attirance primaire au « miam » chez l’humain sont le toucher, le goût et l’odorat. Dans la catégorie du toucher, on peut distinguer les contacts extérieurs comme par exemple les câlins, et les sensations intérieures comme par exemple avoir l’estomac plein. Le goût permet de sélectionner la nourriture, la plupart des poisons étant « immangeables » avec des goûts amers et/ou métalliques.

De nombreuses études ont montré le rôle inconscient de l’odorat dans le choix des partenaires sexuels. Nous allons nous rapprocher, puis nous attacher, aux aliments, objets, environnements, activités et bien sûr personnes qui nous procurent des sensations de confort, de douceur, de bien-être, avec lesquels on se sent apaisé et rassuré. L’activation du système parasympathique qui met la physiologie en état de relâchement, prêt pour la digestion ou la sieste, est un bon indicateur d’éveil du premier niveau du sentiment.

Le respect de ces sensations primaires de « miam » ou de « beurk » s’avère essentiel pour la suite du développement de la fonction sentiment, le soin du sentiment commence à ce niveau-là. Par exemple éduquer un enfant à une nourriture variée, c’est prendre soin de la lui rendre agréable, plutôt que le forcer à avaler quelque chose qui l’écœure – nous sommes bien au premier niveau du cœur : j’aime le chocolat et les caresses, et j’aime ceux qui m’en donnent. Première consigne donc : respecter ses sensations corporelles spontanées de « miam » et de « beurk », là ici maintenant, en sachant qu’elles vont varier en fonction de la qualité du sommeil et de la digestion, de l’âge du capitaine, de la pression atmosphérique et de la vitesse du vent.

L’AYURVÉDA MAHARISHI
Plusieurs approches de l’Ayurvéda tendent à éveiller ou éduquer les organes des sens et l’aptitude à se laisser guider par le plus grand « miam ». Parmi d’autres on peut citer pour le toucher, les abhyangas ou auto-massages, les asanas, la prise autoréférente du pouls, la marmathérapie 

Concernant le goût, l’Ayurvéda en distingue six au lieu de quatre et construit toutes ses recommandations alimentaires sur l’appréciation de la nourriture. Bien évidemment, l’aromathérapie s’adresse directement au sens de l’odorat. Les Techniques Avancées de Méditation Transcendantale et le vol yogique développent également les organes des sens et la relation au corps physique.

D’une manière générale, l’Ayurvéda et particulièrement lAyurvéda Maharishi recommande de respecter attentivement les manifestations de « miam » ou de « beurk », le plaisir, le confort, l’aisance, la facilité, l’absence d’effort étant des critères essentiels dans la mise en pratique des différentes techniques.

DEUXIÈME NIVEAU : LA RENCONTRE
Le deuxième niveau du sentiment pourrait être dit social ou relationnel. Pour faire le lien avec le point précédent, nous savons bien que dans la rencontre avec une personne, notre impression sensorielle première est souvent juste – je parle de ce qui est éprouvé là-dedans, pas de ce qui est pensé : on connaît l’art qu’ont les manipulateurs de déjouer le sentiment premier en entortillant la pensée. Après le coup de théâtre, les victimes disent toujours « je l’avais bien senti ». Senti, mais pas écouté. Or c’est dans la petite enfance que s’éduque préférentiellement la confiance dans nos messages intérieurs de « miam » ou de « beurk », même s’il n’est jamais trop tard pour bien faire, et pour apprendre à se faire du bien.

Que se passe-t-il au niveau relationnel du sentiment ?
Dans la rencontre avec l’autre, apparaissent naturellement des conflits d’intérêts, simplement parce que nous sommes tous différents et que nos « miam » et nos « beurk » ne coïncident jamais ni complètement, ni comme nous l’avons vu durablement. Donc, la relation à l’autre va demander un ajustement permanent, c’est-à-dire la recherche d’une position juste, équilibrée, entre la satisfaction des « miam » de chacun. On assiste là à une évolution de la fonction sentiment qui accepte de ne plus être ni totalement ni immédiatement ni inconditionnellement satisfaite, pour entretenir la vitalité d’un lien plus adulte.

En effet le sentiment primitif établit entre le sujet et l’objet un lien de nature fusionnelle, qui s’accompagne souvent d’une angoisse de perdre l’objet ou son fournisseur. Lorsque le sentiment mûrit, il défusionne. Il devient capable d’établir et de maintenir un lien comportant une différenciation et donc une frontière dans la relation à l’autre. En même temps liés et séparés, en même temps dans le plaisir et dans la frustration : tout se joue alors dans le dosage.

Le soin du sentiment à ce niveau repose sur la notion de respect. Il s’agit à la fois de se respecter soi-même et de respecter l’autre. Les deux demandent d’abord d’être sincère, d’exprimer la vérité de son « miam » ou de son « beurk » du moment. Ce n’est ni se respecter ni respecter l’autre, de se contraindre à supporter du « beurk » en faisant semblant que ça fait « miam ». On peut négocier et choisir d’accepter une certaine dose de « peu-miam » ou « quasi-beurk », mais il est important que l’autre sache ce qu’il en est au départ. Il peut arriver que ça aboutisse à un « super-miam », mais peut-être aussi à un « archi-beurk », et il faudra mettre ça sur la table.

Bien entendu, le respect comporte donc un second volet aussi important que le premier : sincérité sur le fond, et bienveillance dans la forme. L’intention de bienveillance, la délicatesse de l’attention, sont essentielles pour préserver la qualité du sentiment. Je ne suis pas d’accord avec toi, ou je ne veux pas de ce que tu me proposes, mais : je comprends que c’est important pour toi, je te remercie pour l’intention, je pourrai accepter dans une autre circonstance, je te fais une autre proposition … Il se peut que l’autre ne comprenne pas, il se peut qu’il/elle se fâche, il se peut qu’il/elle s’éloigne … car une relation vivante est toujours une relation imprévisible. Mais cette attitude aura préservé la qualité du sentiment à l’intérieur de soi. Il est donc important de distinguer le sentiment et la relation. Si on cherche à tout crin à sauvegarder la relation, c’est qu’on est dans la forme primaire et dépendante du sentiment fusionnel, et je peux affirmer une chose : la relation est en péril ! C’est donc autre chose d’élever le sentiment au niveau relationnel, et d’en prendre soin avec sincérité et bienveillance, quoi qu’il puisse advenir de la relation.

L’AYURVÉDA MAHARISHI
En Ayurvéda Maharishi, le soin de cet aspect du sentiment relève de toute une série de recommandations qu’on appelle les rasayanas du comportement, qui nourrissent le cœur dans la relation à l’autre à un niveau très subtil.

LE TROISIÈME NIVEAU : SPIRITUEL
Le troisième niveau du sentiment peut se définir spirituel. L’exercice du respect relationnel entraîne à dépasser les clivages infantiles gentil/méchant, bon/mauvais, j’adore/je déteste. Il se développe alors toute une gamme de nuances de sentiment de plus en plus subtiles qui permettent au cœur d’éprouver de l’attirance envers un panel d’objets de plus en plus varié, de plus en plus riche, jusqu’à éprouver de l’attirance à des degrés divers pour tout ce qui existe dans la création. Petit à petit les frontières s’estompent et l’on perçoit les ressemblances bien davantage que les différences, ce qui unit bien plus que ce qui divise. On verra par exemple un être humain plutôt qu’un individu de tel genre, de telle couleur, de telle confession, de telle profession …

A ce niveau le cœur commence à s’ouvrir spontanément à l’universel et à l’inconditionnel, sans qu’il n’y ait là aucune manipulation intellectuelle ou émotionnelle. On ne fabrique pas par exemple le pardon ou la compassion, ces sentiments viennent parce que l’on perçoit naturellement, évidemment, l’autre comme un semblable. Cela est aussi vrai des objets matériels, des plantes ou des animaux, des ruisseaux ou des planètes. Tout simplement parce que l’on perçoit de plus en plus ce qui unifie fondamentalement toutes les manifestations de l’univers.

Ce qui procure le « miam », c’est de moins en moins l’objet en lui-même et de plus en plus le tissu d’intelligence créatrice dont il est constitué et dans lequel on reconnaît sa propre nature. On revient ainsi à une expérience de type fusionnel, mais cette expérience ne se situe plus au niveau d’une dépendance matérielle, elle se vit dans la liberté autoréférente d’une dimension transcendante, au-delà des qualificatifs du sujet et de l’objet. Et là se trouve de quoi étancher enfin la soif de « miam ».

L’EXPÉRIENCE DE LA TRANSCENDANCE
Prendre soin du cœur à ce niveau, c’est donc cultiver l’expérience de la transcendance. Il ne s’agit plus d’intervenir sur le comportement, mais sur le développement du Soi. Plonger alternativement, répétitivement dans la transcendance puis dans l’activité, dans le sommeil et dans le rêve, finit par instaurer un état dans lequel la transcendance ne quitte plus la conscience. C’est à partir de là que la perception de l’objet va devenir de plus en plus porteuse de « miam », de plus en plus savoureuse, quel que soit l’objet et quelles que soient les circonstances. Nous l’avons dit, le sentiment est une expérience de conscience.

Aucune expérience n’étant plus profondément satisfaisante que de s’identifier à l’Être pur, que d’être pure conscience, il devient évident que le processus même de la plongée dans la transcendance s’appuie nécessairement sur la mise en œuvre de la loi du plus grand « miam ». Par l’attraction universelle du plus grand « miam », le processus de la transcendance est le plus simple, le plus naturel, le plus automatique qui soit, il ne demande aucun effort. La conscience rejoint sa dimension absolue illimitée comme un enfant court vers sa mère. C’est le principe fondamental de la Méditation Transcendantale. On peut dire que d’une manière générale, toutes les stratégies de l’Ayurvéda Maharishi  – elles sont une vingtaine – sont des techniques de développement et de raffinement de la conscience.

CONCLUSION
Nous voyons ainsi qu’au fur et à mesure de la croissance et de l’évolution, le soin du sentiment va se porter d’abord sur le choix de l’objet, puis sur la relation à l’objet, puis sur la conscience du sujet, l’un s’ajoutant à l’autre. Plus la conscience du sujet va se développer, plus le choix de l’objet va se raffiner, et plus la relation à l’objet sera enthousiasmante : étymologiquement, source d’union avec le divin. Jusqu’à réaliser que c’est le « miam » qui tient le monde.

Contribution du Dr Michèle Raulin


Michèle Raulin est Dr en médecine, psychothérapeute avec une longue expérience sur le terrain. (son site)

Elle n’hésite pas à enrichir ses connaissances médicales avec des approches traditionnelles comme l’Ayurvéda, l’aromathérapie, l’astrologie, etc. pour retrouver l’aspect holistique de l’être humain.

 


  1. Groupe d’échanges des pratiques en Management Védique organisé par le département de Management védique de l’AMT-France et l’Observatoire du Leadership

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