Le pouvoir rend fou dit le dicton populaire. Cette véritable maladie, appelée aussi syndrome d’Hubris, n’épargne aucun secteur de la société, la politique, le sport, les affaires, etc. La méditation transcendantale permet de prévenir ce syndrome qui modifie la personnalité ainsi que le fonctionnement du cerveau.
Qu’il soit dans la politique, le sport ou les affaires, tout leader est menacé par la « maladie du pouvoir », alias syndrome d’Hubris[1]. Les travaux de l’américain Dacher Keltner[2], professeur de psychologie à l’UC Berkeley montrent que les personnes occupant des positions élevées peuvent agir de façon plus impulsive, qu’elles sont moins conscientes des risques encourus et surtout qu’elles sont moins capables de voir les choses du point de vue d’autrui, autant de traits caractéristiques de personnes ayant subi une lésion cérébrale traumatique. D’autres traits de personnalité accompagnent cette maladie comme la perte du sens des réalités, une confiance en soi excessive et un profond mépris des autres. Dans les cas extrêmes, ces mêmes personnes peuvent faire preuve de cruauté, ce que la sagesse populaire résume par la formule « le pouvoir rend fou ». Pour le moins, le pouvoir absolu et incontrôlé a un réel effet enivrant et addictif. D’autres travaux conduits en 2006 par le psychologue Adam Galinsky, professeur au département Management de la Columbia Business School (New York) confirment que les personnes qui se considèrent comme puissantes ont trois fois plus de mal à se mettre à la place d’autrui. Bien ou mal, certains considèrent qu’avoir moins d’empathie pour un leader est un avantage quand il faut prendre des décisions difficiles comme des licenciements en masse.
Alors que les précédents travaux reposent sur des analyses du comportement, le neuroscientifique Sukhvinder Obhi, chercheur à l’Université canadienne de McMaster[3], spécialiste la technologie de stimulation magnétique transcrânienne (TMS), a le premier décrit les transformations du cerveau de leaders atteints de ce syndrome. Il montre que le pouvoir impacte la zone du cerveau où se situent les neurones miroirs. De quoi s’agit-il exactement? Découverts au début des années 1990 par le médecin et biologiste italien Giacomo Rizzolatti[4], les neurones miroirs sont une catégorie de neurones qui s’activent aussi bien lorsqu’un individu exécute une action que lorsqu’il observe un autre individu exécuter cette même action. Ces neurones, localisés dans l’aire de Broca et dans le cortex pariétal inférieur, interviennent par exemple dans la propagation communicative du bâillement. Ils interviennent aussi dans l’apprentissage par imitation ainsi que dans le processus de l’empathie. Le professeur indien Vilayanur Ramachandran, autorité dans la neurologie comportementale, les appelle aussi “neurones empathiques”. Des travaux approfondis montrent que dans les entreprises les subalternes tendent à imiter de manière inconsciente les expressions et le langage corporel de leurs supérieurs alors que ces derniers arrêtent d’imiter quiconque, comportement révélateur d’un déficit d’empathie.
Effet miroir en action
L’impact du pouvoir en termes biochimiques a également fait l’objet d’études. Elles font apparaître que la dopamine, l’hormone du plaisir, sécrétée par la récompense du pouvoir crée un effet addictif aussi puissant que n’importe quelle drogue, cocaïne, nicotine ou amphétamine. On sait par ailleurs que la dopamine détruit la sérotonine, l’hormone de la sérénité. Comme avec toute drogue, la dopamine pousse le leader à rechercher des expériences renforçant la production de dopamine : réussites, consommation de nourritures et boissons sucrées, alcools, etc. Véritable cercle vicieux, la libération de dopamine crée un besoin irrépressible de dopamine. À des niveaux élevés, le leader se croit investi un d’un destin personnel, il ressent des « préoccupations cosmiques ou religieuses » ainsi qu’un détachement émotionnel conduisant à la cruauté, à l’obsession de réaliser ses objectifs et de réussir coûte que coûte de nouvelles conquêtes. Les dictateurs sont susceptibles de se manifester dans les situations où les freins et les contrepoids ne sont pas présents ou consolidés. Néron, Hitler, Staline ou même Napoléon souffraient jusqu’à un certain degré de tels désordres.
Indra Noyi, CEO de PepsiCo
D’où la question : n’y a-t-il rien à faire face à la maladie du pouvoir ? Le bon sens commande d’arrêter de se sentir puissant. Plus facile à dire qu’à faire, ce conseil oublie que le pouvoir n’est pas un poste, mais un état mental. Une étude réalisée par Raghavendra Rau, professeur à l’Université de Cambridge et publiée dans The Journal of Finance a révélé que les CEO qui avaient vécu une catastrophe naturelle avec décès de proches avaient beaucoup moins de risques de contracter le syndrome d’Hubris que les autres. L’indienne Indra Nooyi, CEO de PepsiCo, raconte que le jour où elle a été nommée à ce poste, elle est rentrée chez elle pétrie d’importance lorsque sa mère lui a demandé de laisser ce fichu fardeau au garage avant d’entrer. Ce simple rappel de la nécessité de garder les pieds sur terre fonctionne plus ou moins. Clémentine, la femme de Winston Churchill a rempli ce même rôle, rapporte le livre[5] de Lord David Owen, neurologue britannique devenu secrétaire aux affaires étrangères avant de devenir baron. Avec l’aide de la Royal Society of Medicine, il fonde Daedalus Trust, une organisation dédiée à l’étude et la prévention de l’orgueil.
Augmentation de la sérotonine pendant la méditation transcendantale
La méditation transcendantale est plus efficace pour prévenir les dérives associées à l’exercice du pouvoir. Comment ? Tout d’abord en augmentant la production de sérotonine, l’antidote de la dopamine. Publiée dans The Journal of Neural Transmission en 1976, une étude montre que la pratique de cette technique augmente la production de sérotonine, l’hormone de la sérénité et du bonheur. Le déficit en sérotonine – très courant dans nos sociétés addictes à la dopamine – est fortement corrélé à des maladies telles que la dépression, la migraine, l’insomnie, la maladie d’Alzheimer, la colère, les addictions, les troubles de l’alimentation, etc. L’expérience de la transcendance pendant la pratique active le pouvoir naturel d’auto-guérison du corps et permet au cerveau de fonctionner normalement. La production de sérotonine se poursuit en dehors de la méditation.
Développement de l’intelligence émotionnelle
L’autre effet préventif de la méditation transcendantale provient du développement de l’intelligence émotionnelle ainsi que le montre l’étude conduite par le professeur de psychologie David Orme Johnson et son collègue Kam-Tim So. Réalisée à la fin des années 1990 – soit avant la formalisation du concept de l’intelligence émotionnelle – elle intègre dans le Constructive Thinking Inventory ses principaux paramètres, notamment celui de l’empathie. David Bishop, ancien CEO de Sony Pictures aux Etats-Unis témoigne en ce sens : « La pratique de la méditation transcendantale développe l’intelligence émotionnelle, essentielle pour les CEO ». Faisant ainsi barrage aux dérives du pouvoir, cette technique de méditation développe les qualités d’un leadership au service de l’entreprise et de ses employés.
[1] Voir à ce sujet l’article d’Audrey Chabal dans Forbes : https://www.forbes.fr/management/quand-le-pouvoir-produit-des-arrogants-et-narcissiques/
[2] Dacher Keltner dirige le Berkeley Social Interaction Lab de l’Université de Californie. Il a conduit ses travaux pendant plus de deux décennies.
[3] La McMaster University est située à Hamilton, dans l’Ontario (Canada).
[4] Médecin et biologiste, Giacomo Rizzolatti est professeur de physiologie à l’Université de Parme. Il est à l’origine de nombreuses découvertes en neuroscience intégrative. Il a été élu ‘associé étranger’ de l’Académie des sciences en France.
[5] « In Sickness and in Power »
Article de Jo Cohen, paru dans Forbes Magazine, reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.